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Notes d'Itinérances
15 août 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (15/69). Un curieux plan de table.

Des règles protocolaires peu propices aux échanges

 

 

Progressivement la demande d’appui du ministère de l’Agriculture de Tunisie s’élargit à la création d’un dispositif de formation continue pour les personnels du ministère, vulgarisateurs et enseignants. Notre avis est sollicité sur le choix de l’établissement qui pourrait devenir le centre de formation professionnelle continue du ministère de l’Agriculture [1]. Cet avis leur permettra certainement de faire des demandes de financement auprès de l’ambassade de France pour des investissements et des missions d’appui, la démarche s’inscrivant dans la politique de coopération développée entre les deux pays.

 

L’établissement proposé est situé dans la grande banlieue de Tunis. Récent, 1954, il a néanmoins derrière lui une longue histoire. Collège moyen horticole, il sera ensuite un lycée agricole, puis un Institut d’élevage, un Centre de Formation Professionnelle Agricole, un Institut des Techniques Économiques Agricoles et un Centre de Formation et de Recyclage Agricole ! Depuis 1976, il réalise des stages de formation continue pour les personnels des Offices de développement (céréales, huile d’olive, élevage… ou par régions). 

 

L’entrée est composée d’un bel arc en béton blanc, fin et gracieux, ouvrant sur une vaste pelouse traversée d’une route qui conduit au pied d’un grand bâtiment blanc, avec un étage, surmonté d’un bandeau de couleur verte, et comportant en son centre un vaste hall central ouvert. Passé le hall, une galerie ouverte dessert les salles du rez-de-chaussée, à gauche la cuisine et la salle à manger, à droite trois salles de cours et, entre les deux, un petit bar avec son comptoir et un laboratoire audiovisuel sommaire. Le premier étage est occupé par les dortoirs pour les stagiaires. De chaque côté de la pelouse, cachées par des haies de lauriers, des villas coquettes, blanches aux huisseries de couleur « bleu de Sidi Bou-Saïd », permettent de loger le personnel de l’établissement. Le centre possède enfin une exploitation agricole avec atelier de production de volailles, des plantations d’arbres fruitiers, orangers, pêchers et amandiers. Le tout est parfaitement entretenu et l’impression générale est favorable.

 

Pour notre venue, le directeur a mis les petits plats dans les grands. Après la visite des bâtiments, il convie la délégation franco-tunisienne à déjeuner. Chacun sait que la répartition des convives est une question sociale de la plus haute importance. Vous n’avez certainement pas à vous préoccuper de savoir qui du général, de l’évêque ou de la marquise doit être à votre droite ou à votre gauche, n’ayant dans vos connaissances ni gradés de l’armée, ni éminences ecclésiastiques, ni nobliaux locaux. Mais le banquet officiel reste un moment clef de représentation de la hiérarchie des convives, magnifiant la puissance du prince et illustrant l’honneur que celui-ci accorde à ses hôtes ! Il est l’occasion de mettre en scène le prince et ses invités principaux : ils sont au centre de la table, doivent être vus de tous et, bien évidemment, toujours être servis en premier. Élémentaire.

 

« L'hôte sert de point de référence. Un chef d'État, un prince de sang, un haut dignitaire de l'Église prennent la place du maître de maison. Ce n'est pas vrai pour les femmes » ! [2]

 

Les tables sont recouvertes de nappes blanches, éclatantes, et décorées de fleurs fraîches. Elles sont disposées en fer à cheval, tous les sièges étant bien sagement alignés à l’extérieur ! Bien sûr, nous sommes invités à nous asseoir au milieu de la table centrale pour présider, ce qui nous permet de reconstituer des scènes bibliques célèbres, les noces de Cana ou la Cène. Avantage, celui d’expérimenter la conduite du dialogue avec ses disciples dans une disposition si particulière des convives, tous alignés en rang d’oignons d’un même côté de la table, et de constater combien cette disposition est finalement très mal commode pour leur distribuer la bonne parole ! A contrario, pour le peintre ou le photographe, la disposition permet de saisir de face tous les protagonistes. Mais pour assurer une conversation, des échanges entre participants, cette disposition s’y prête vraiment très mal, surtout pour ceux qui sont en bout de table.

 


[1] Il sera créé le 01/01/1983 sous l’appellation Institut National Pédagogique et de Promotion Supérieure Agricoles (INPPSA) et transformé en 1990 en Institut National Pédagogique et de Formation Continue Agricole (INPFCA).

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