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Notes d'Itinérances
29 mars 2023

Rome, étrange et curieuse (16/45). Rione Parione VI (3) - La main-fantôme - Via di Santa Maria del Anima, 17.

Un palais support d'étranges manifestations

 

 

Côté piazza Navona, le Palazzo Tuccimei (ex de Cupis) est à droite de l'église Sant'Agnese in Agone et abrite un bar-glacier-restaurant célèbre. Mais la façade principale du bâtiment est située Via di Santa Maria del Anima.

L’histoire du palais [1], commence au XVIe siècle, quand Gian Domenico de Cupis, ancien secrétaire du pape Jules II della Rovere (1503 / 1513), fut nommé cardinal en 1517 par Léon X de Médicis (1513 / 1521). Gian Domenico agrandit les propriétés que la famille possédait déjà Piazza Navona en achetant d’autres maison, les reliant entre elles et les refaçonnant pour en faire le bâtiment actuel. Les armoiries de la famille de Cupis, un bélier rampant, sont encore visibles sur la façade principale du palais, sculptées en bas-relief sur le portail.

 

Au XVIIe siècle, le chroniqueur Antonio Valena [2] raconte l’histoire de l'un des arrière-petits-neveux de Gian Domenico de Cupis qui épousa, au début du siècle, la jeune noble Costanza Conti, laquelle était célèbre à Rome pour sa beauté et notamment pour ses mains particulièrement fines et délicates. Un artiste de l’époque, Bastiano « alle Serpenti », demanda à exécuter un moulage en plâtre d’une de ses mains, copie qu’il exposa dans son atelier situé Via dei Serpenti (d’où l’origine du nom de l’artiste) sur un coussin de velours. Les Romains vinrent y admirer la finesse de cette main devenue célèbre. Un Frère Dominicain de l’église San Pietro in Vincoli, après avoir vu le moulage de la main, aurait déclaré que « per la sua bellezza, la mano correva il rischio d’esser tagliata, se fosse appartenuta a une persona viva » (Pour sa beauté, la main courait le risque d’être coupée, si elle appartenait à une personne vivante !). 

 

La phrase prononcée par le moine fut rapportée à Costanza qui vécut désormais dans la terreur car elle pensait avoir commis un péché d’orgueil en acceptant que sa main soit reproduite pour être exposée comme le sont les plus saintes reliques. Par peur que ne se réalise la prédiction du Frère, et par crainte d’être punie pour sa vanité, Costanza s’enferma dans le palais, refusant de sortir, et occupant ses jours à coudre et à broder. A ses travaux d’aiguille, Costanza se piqua le doigt et la plaie s’infecta. La gangrène s’installa dans la plaie et il fallut lui amputer la main pour éviter la contagion. Mais rien n’y fit, et Costanza décéda peu après. On raconte que, les nuits de pleine lune, la main de Costanza apparaitrait derrière l’une des fenêtres du premier étage de la façade du palais, via Santa Maria dell'Anima (photo). Certains affirment même que le fantôme de Costanza aurait été aperçu aux abords du palais pour essayer de rejoindre sa main ! Mais, vu l’animation du quartier, j’ai un doute…

 

Un visage de marbre blanc est situé dans la façade du Palazzo Tuccimei, côté piazza Navona ! La légende populaire raconte que le pape Sixte Quint Peretti (1585 / 1590) avait coutume de se déguiser pour se mêler à la foule et ainsi apprendre ce que les Romains pensaient de lui. Un jour, alors qu'il était entré dans une taverne de la Piazza Navona, il entendit le patron dire pis que pendre du pape. L’aubergiste ne tarda pas à être décapité par la justice papale pour ses propos injurieux envers le saint pontife. Les commerçants de la place auraient alors décidé, en mémoire et en hommage à leur collègue, de placer sa tête dans le mur de son commerce. La tête est toujours là, à gauche de la septième fenêtre du second étage ! D’autres affirment, qu’au contraire, la tête a été placée là par la police du pape en avertissement, voire comme une menace, pour ceux qui seraient trop bavards ! 

 

Le palais fut ensuite occupé par d’autres familles nobles et riches, dont le prince de Bozzolo (une branche du fief de Sabbioneta), joueur invétéré, qui l'aurait transformé en une sorte de tripot de jeux clandestins. A la fin du XVIIIe, le palais accueillit un théâtre de marionnettes siciliennes qui portait le nom du nouveau propriétaire du palais, Ornani. Le théâtre était très fréquenté du petit peuple romain car le spectacle était généralement facétieux, ironique et satyrique. Le célèbre marionnettiste Gaetano Santangelo (1782 / 1832) y aurait joué dans la première moitié du XIXe siècle. A la fin du siècle, le palais a été acheté par la famille Tuccimei ; le théâtre poursuivit son activité avec des acteurs sous le nom de Emiliani puis, en 1855, de Teatro al Foro Agonale.

 


[1] Michele Maria Tuccimei. « Genealogia di un Palazzo - De Cupis, Ornani, Tuccimei ». 2007.

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