Ostiense - Révolution au sud de Rome (5/12). Entre Street-Art et Pont de fer (Pont de l’Industrie).

Une mémoire du développement industriel mais aussi de la férocité de l’occupation nazie

Par les Via Pellegrino Matteucci, puis del Porto fluviale en longeant les voies de chemin de fer, on atteindra le Pont de fer. En cours de route, au croisement avec la via Ostiense, sous le pont du chemin de fer, côté gauche, on remarque un portrait d’Antonio Gramsci. Via del Porto fluviale, n°12, deux œuvres de street art (Blu) [1] sont situées sur les ex Magazzino Aeronautica Ostiense, en pignon (2014) et en façade (2003), en face « Hunting pollution » (Federico Massa, 2018), au n°22, sur la façade des bâtiments du port fluvial, « Mela Mundi » (Zed1, 2022), puis au n°67, « Nuotator » (Agostino Lacurci, 2011) avec, en pignon, une peinture hyperréaliste d’Axel Void. Un détour par la Via dei Magazzini Generali permet de voir deux autres œuvres, le « mur des célébrités » (JB Rock, 2010) et, en face, au n°8 les spectateurs des célébrités (Sten & Lex, 2010).

Connu également sous la dénomination de « pont de fer », le pont de l’Industrie sur le Tibre est long de 131 m et large de 7 (photo) [2]. Il se compose d'arcs en fer et en fonte reposant sur des pylônes constitués de tuyaux en fonte remplis de béton. Il a été construit entre 1862 et 1863 par une société belge, sous-traitée par la société française Casalvaldès, entrepreneur du gouvernement pontifical pour les travaux de raccordement des voies ferrées entre Civitavecchia et l’embarcadère de Termini. Le pont, construit en Angleterre, a été transporté en pièces détachées pour être remonté à Rome. La partie centrale du pont était mobile afin de permettre le passage des bateaux qui naviguaient jusqu’au port de Ripa grande. L'inauguration de l’ouvrage a eu lieu en 1863, en présence du Pape Pie IX Feretti (1846 / 1878) et de Monseigneur De Merode qui en était à l’initiative. Le Pont de Fer a vite été dépassé par l’ampleur du trafic ferroviaire car sa structure ne permettait pas d’accueillir plus de deux voies. En 1907-1910, il a été remplacé par un autre pont, situé en amont, avec la création de la nouvelle gare de Rome-Trastevere. Le pont de fer devint un pont routier, à double voies avec des trottoirs. C’est un élément d’archéologie industrielle à Rome, à peu de distance d'autres symboles de l’industrialisation de la zone d’Ostiense : le gazomètre et la Centrale électrique Montemartini.

S’il est une mémoire du développement industriel romain, le pont est aussi une mémoire de la férocité de l’occupation nazie. Suite à l'armistice de Cassibile entre le gouvernement italien et les forces alliées, le 3 septembre 1943, qui arrête la confrontation armée entre l’Italie et les Alliés, l’armée nazie prend le contrôle du territoire italien non encore libéré. Au printemps 1944, le général Kurt Maeltzer, commandant de la ville de Rome, réduit à 100 g la ration journalière de pain destinée aux civils. Dans de nombreux quartiers de Rome, les femmes protestèrent devant les fours, en particulier à proximité de ceux qui étaient soupçonnés de panifier le pain blanc destiné aux troupes d'occupation.

« Les femmes des quartiers Ostiense, Portuense et Garbatella avaient découvert que le four panifiait du pain blanc et avait un gros stock de farine. Elles décidèrent d'attaquer le dépôt qui ne semblait pas être gardé par les troupes allemandes. Le directeur du four, qui était peut-être d'accord avec ces désespérées ou voulait éviter des dommages aux machines, les laissa entrer. Les femmes prirent possession de petites quantités de pain et farine mais malheureusement quelqu'un appela la police allemande et de nombreux soldats de la Wehrmacht arrivèrent alors que les femmes étaient encore sur place avec leur butin de pain et de farine » [3].

Les femmes surprises par les soldats furent alignées contre les barrières du pont et fusillées. En guise de leçon pour la population, les corps ont été laissés au sol jusqu’au lendemain matin, sous la surveillance des soldats. Sur le site de l’assassinat, les autorités municipales firent apposer, en 1997, une plaque commémorative suite à la demande de la résistante Carla Capponi, députée, et aux enquêtes conduites par l’historien Cesare de Simone, plaque sur laquelle figure le nom des dix victimes : Clorinda Falsetti, Italia Ferracci, Esperia Pellegrini, Elvira Ferrante, Eulalia Fiorentino, Elettra Maria Giardini, Concetta Piazza, Assunta Maria Izzi, Arialda Pistolesi, Silvia Loggreolo.

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[1] Fabien Fraticelli. « Découvrez le quartier d’Ostiense et son art de rue ». In LePetitJournal.com. 23/08/2019 

[2] Le pont, fortement endommagé par un incendie en 2021, est en cours de restauration et d'aménagement en 2024..

[3] Carla Capponi. « Con cuore di donna ». 2000. Cité par Wikipedia.

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