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Notes d'Itinérances
13 décembre 2023

Viêt-Nam - 1995 / 2023 (22/27). HCMC - Rue Dong Khoï, ex-rue Catinat, encore et toujours

La cathédrale – Le grand Théâtre – Les quais du port

 

 

« ... je remontais la rue Catinat jusqu’à l’endroit où une hideuse cathédrale rose barre le chemin » [1].

 

La cathédrale rose barre toujours le chemin, elle est même précédée d’un avant-poste constitué d’une abominable statue de la vierge saint-sulpicienne. Avec le temps, la cathédrale a un petit air attendrissant, petit morceau de France égaré sous les tropiques, petite sœur de la cathédrale de la Nouvelle-Orléans, l’une rose, l’autre blanche, l’une à deux tours, l’autre à une seule, mais taillées toutes deux dans le même style romano-gothique français fin de siècle.

 

Septembre 1945... « La voiture descend la rue Catinat. Les pneus crépitent sur les éclats de verre des vitrines éclatées. Des indigènes sortent d’un magasin d’antiquités, les bras chargés d’objets... » [2]. C’est à cette période que Stanley Karnow fait commencer la guerre du Viêt-Nam [3] : après la capitulation japonaise, c’est le chaos à Saigon où gaullistes, colons français, groupes religieux vietnamiens, Cao-Daï et Hao-Hoa, et Vietminh se disputent le pouvoir. Pour répondre aux violences des troupes coloniales françaises libérées par les Japonais et armées par les Anglais, une grande manifestation est lancée par le Vietminh le 24 septembre. Grève générale, manifestations, pillages, massacres [4].

 

« Quand la voiture atteint la place de la cathédrale, Chu jette un coup d’œil sur le parvis. Le père Tricoire, aumônier des prisons, est toujours étendu, bras en croix, à l’endroit où les manifestants l’ont assassiné. L’émeute avait commencé là et, comme toujours, il avait suffi d’un coup de feu tiré, on ne savait par qui » [5].

 

En octobre, les forces françaises du Général Leclerc reprennent le contrôle de Saigon.

 

Le théâtre de Saigon et « sa façade somptueuse de faux temple athénien » [6]. Les contemporains étaient bien indulgents ! C’est, tout au plus, l’entrée bien présomptueuse d’un hall de gare provinciale. Dans le jardin qui l’entoure, les ouvriers d’un immeuble en construction font la sieste à l’ombre des arbres du square, au milieu de la circulation pétaradante et klaxonnante.

 

Au bout de la Dong Khoï, les quais du port. Saigon, n’est pas située sur le Mékong comme on l’imagine souvent, mais sur une rivière, affluent d’un fleuve, le Dông nai. Là, à quai, un paquebot transformé en palace flottant qui ne risque plus de larguer ses amarres. Vers l’amont, c’était le port militaire, aux quais à la « verdure des arbres trop verte et le sol tristement rouge », où attendaient les étouffantes murailles de fer du cuirassé de Pierre Loti à son retour de pèlerinage à Angkor. C’est ici également que devait être amarré le croiseur de guerre « Le Bayard » imaginé par Claude Farrère dans le roman « Les civilisés », chronique de la décadence de la bourgeoisie coloniale. En aval, après l’arroyo, l’ex-quai des Messageries Maritimes qui en conserve le bâtiment colonial. Mais lui aussi a changé d’affectation, il est le siège du musée du souvenir de l’Oncle Hô. Les signes de changement donnés par cette ville en révèlent toutes les contradictions : le quai commercial est utilisé aujourd’hui comme lieu d’amarrage d’un hôtel de grand luxe et le siège de la compagnie de transport maritime sert de musée révolutionnaire ! C’est là que venaient s’amarrer les grands paquebots des compagnies internationales de navigation, les « mousquetaires de la ligne, le Porthos, le D'Artagnan, l’Aramis qui reliaient l’Indochine à la France » [7]. C’est là aussi que devait attendre la longue automobile de « l’amant », dans le parc à voitures des Messageries, lors du retour en France de Marguerite Duras et la fin de son aventure indochinoise.

 


[1] Graham Greene. « Un américain bien tranquille ». 1955.

[2] Jean Hougron. « Les Asiates ». 1955.

[3] Stanley Karnow. « Viêt-Nam ». 1984.

[4] 2023. En mars 1945, les Japonais occupent l’Indochine et font prisonnier les soldats français. Le 15 août 1945, le Japon capitule. Le 2 septembre, Ho Chi Minh proclame l’indépendance du Viêt-Nam à Hanoi mais la confusion est grande à Saigon où différents groupes se disputent le pouvoir avec manifestations, émeutes, massacres. Le général britannique, chef de la commission d’armistice, fait libérer et réarmer les soldats français qui, à partir du 22 septembre, reprennent progressivement le contrôle de la ville.

[5] Jean Hougron. « Les Asiates" ». 1955.

[6] Jean d'Esme. « Les dieux rouges ». 1923.

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