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Notes d'Itinérances
5 mars 2024

Sant'Angelo - Autour du ghetto (14/18). La Via Caetani et le palais Mattei di Giove.

Le souvenir d'Aldo Moro – Le palais Mattei di Giove

 

 

Pour retourner dans le ghetto, on peut longer le palais Mattei, par la petite rue Caetani. Côté gauche, sur le mur de la maison n°9, une plaque rappelle que c’est ici que fut retrouvé dans le coffre d'une Renault 4L de couleur rouge, le 9 mai 1978, le corps d’Aldo Moro, président du Conseil, assassiné par les Brigades rouges. Ce lieu est symbolique car il est situé à égale distance de la piazza del Gesù, alors siège du parti de la Démocratie-Chrétienne, et de la via delle Botteghe Oscure, alors siège du Parti Communiste Italien [1]. Si les Brigades rouges ont assassiné Aldo Moro, les siens y ont largement contribué : le gouvernement italien avec à sa tête Giulio Andreotti, son parti, la Démocratie-Chrétienne, mais aussi le gouvernement américain. Tous préféraient un Moro mort plutôt qu’un Moro vivant qui aurait fait alliance avec le PCI mettant ainsi un grand coup de pied dans la fourmilière de la vie politique et économique italienne. En 1978, aux dernières élections, le parti de la Démocratie Chrétienne dont Aldo Moro est le responsable, est arrivé juste devant le Parti Communiste Italien d’Enrico Berlinguer. En fait, les deux partis ont gagné. Sans une coalition entre les deux forces, le pays devient ingouvernable. En conséquence, le 16 mars 1978, devait être signé un « Compromesso storico » (compromis historique) entre les responsables des deux partis. Mais, Via Mario Fani, quelques heures avant la signature, un commando de cinq membres tue les gardes du corps d’Aldo Moro qu’ils enlèvent. Gouvernement et Démocratie Chrétienne, conseillés par les Américains, firent d’abord trainer en longueurs les négociations avec les ravisseurs, puis finalement les rompirent en sachant qu’elle en serait la conséquence [2]

 

De l’autre côté de la rue, le palais Mattei di Giove a été construit par Carlo Maderno, entre 1598 et 1611, pour Asdrubale Mattei, duc de Giove, à l'occasion de son deuxième mariage avec Costanza Gonzaga (1595). Ce palais, au n°32, est le dernier des cinq palais Mattei qui forment un seul complexe architectural, « l’Isola dei Mattei » (l’îlot des Mattei) entre les rues Paganica, delle Botteghe Oscure Caetani et Funari. Maderno a dû surmonter le problème de l'insertion de son bâtiment dans une zone dense et mal articulée [3], à l’angle des rues Funari et Caetani. Maderno résout le problème de la rareté de l'espace en créant deux portes d'entrée. Celle de la via Funari donne accès, selon une composition traditionnelle, à la cour puis au jardin qui se développent perpendiculairement à la façade. L'autre porte, latéralement, à partir de la via Caetani, ouvre perpendiculairement sur la loggia de la première cour, en face de l'escalier. Les façades extérieures, de briques, se développent sur trois niveaux : elles présentent une structure austère, soulignant les effets horizontaux avec du travertin. Elle est couronnée d'une corniche ornée des symboles héraldiques des Mattei (un échiquier) et des Gonzague (un aigle). 

 

La cour intérieure (photo) est un contraste frappant avec la sobriété de l'extérieur, recherchant au contraire des effets de perspective avec une grande richesse de décorations : statues, bustes, sarcophages et fragments architecturaux provenant des vestiges des sites archéologiques voisins, se mélangent aux stucs baroques qui les encadrent. Sur le côté sud (côté Via Funari) est présente une magnifique loggia, sur deux niveaux, à triple arcades et deux ordres de pilastres superposés, avec un troisième niveau à arcades fermées. Sur le côté ouest, la loggia donne accès à l’escalier sur la façade opposée à l’entrée via Caetani. La cour est close, côté nord, par une loggia formant terrasse, d’un seul niveau, à trois arcades, les deux latérales étant aveugles, et surmonté d'une balustrade. Elle permet d'accéder au jardin où une fontaine, accolée au mur du fond, est constituée d'un sarcophage qui recueille l'eau jetée par la bouche d'un mascaron grotesque. Le Palais Mattei di Giove accueille la Bibliothèque d’histoire moderne et contemporaine spécialisée dans l’histoire de l’Italie et de l’Europe des XIXe et XXe siècles. Très religieux, les Mattei choisissent des thèmes bibliques pour les fresques qui décorent l’étage noble : Scènes de la vie de Jacob (Francesco Albani et Le Dominiquin), Scènes de la vie de Joseph (Giovanni Lanfranco et Pomarancio), Scènes de la vie de Salomon (Pierre de Cortone).

 


[1] Lire le beau texte de Marco Baliani. « Corps d’état, l’affaire Moro ». In « Dormira jamais ». 9 mai 1978.

[2] Hubert Artus. « Pourquoi le pouvoir italien a lâché Aldo Moro, exécuté en 1978 ». L’obs. 22/11/2016. A propos de la diffusion sur France 5 du film « Les Derniers jours d’Aldo Moro ». Documentaire d’Emmanuel Amara.

[3] Istituto Centrale per i Beni Sonori ed Audiovisivi. « Palazzo Mattei di Giove ».

Claudio Varagnoli. « Eredità cinquecentesca e apertura al nuovo nella costruzione di palazzo Mattei di Giove a Roma ». Centro Internazionale Andrea Palladio per di Studi di Architettura di Vicenza. N°10-11. 1998 / 1999.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Sant'Angelo et le ghetto

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