Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
2 juillet 2021

Sant'Eustachio - Entre Navone et Panthéon (6/14). Sant’Agostino et la Madone des pèlerins.

Une église ouverte aux courtisanes et prostituées – Un magnifique Caravage

 

 

En sortant à gauche de Saint-Louis-des-Français, on trouve deux rues plus loin et encore à gauche, une placette sur laquelle est érigée la basilique des saints Tryphon et Augustin, généralement appelée Sant'Agostino. C’est l’occasion d’aller admirer un autre Caravage ! Sant’Agostino fut l’une des premières églises Renaissance à Rome (1479 / 1482). La façade, inspirée de la Basilique Santa Maria Novella à Florence, a été conçue par Léon Battista Alberti et construite en 1483 par Jacopo da Pietrasanta. Dans cette façade très simple, voire austère, les deux volutes latérales apparaissent étranges, voire incongrues. C’est qu’elles ont été ajoutées plus tard, entre 1746 et 1750, lors de la construction du couvent. Le travertin de la façade est issu du Colisée lequel servait alors de carrière de pierre pour les constructions de la Rome papale. Autre particularité de Sant’Agostino, mais tout à fait spécifique et unique à Rome, l’église admettait les courtisanes et prostituées ! Certaines y ont été enterrées, Michelis Fiammetta (1465 / 1512), maîtresse de César Borgia, ou Tullia d'Aragon (1510 / 1556), poétesse, écrivaine et philosophe.

 

« Dans la première chapelle, à gauche en entrant, on trouve de magnifiques ouvrages de Michel-Ange de Caravage. Cet homme fut un assassin ; mais l’énergie de son caractère l’empêcha de tomber dans le genre niais et noble, qui de son temps faisait la gloire du Chevalier d’Arpin »[1]

 

Le tableau du Caravage est consacré à Notre-Dame-de-Lorette. La famille Cavalletti (ou Cavalli ?) de Bologne avait acquis une chapelle. Par testament, Ermete Cavalletti, mort en 1602, avait émis le souhait qu’un tableau d’autel soit réalisé représentant Notre-Dame-de-Lorette. Petit détour sur l’histoire des miracles : la maison dans laquelle le saint Esprit aurait conçu Jésus dans le sein de la Vierge Marie est connue sous le nom de « Maison de Nazareth ». Au IIIe siècle, sainte Hélène, mère de l’empereur Constantin et grande importatrice de reliques chrétiennes à Rome, éleva une église autour de la maison. Menacée par la prise des lieux-saints par les musulmans au XIIIe siècle, la maison fut miraculeusement transférée en Dalmatie puis, en 1294, dans la Marche d’Ancône où elle est toujours visible aujourd’hui et où une femme dénommée Lorette l’aurait accueillie.

 

« Le lieu de la dévotion, c’est une petite maisonnette fort vieille et chetifve, bastie de briques, plus longue que large » [2].

 

Le tableau (photo) montre, en bas à droite, deux pèlerins, pieds nus et modestement vêtus, adorant la Vierge et l’enfant Jésus. La Vierge, en haut à gauche, sur la marche et dans l’embrasure d’une porte, présente l’enfant qu’elle porte dans ses bras. Le tableau est composé sur cette diagonale bas-droite / haut-gauche (ligne des corps, bras de l’enfant, axes des regards). On part des pieds souillés du pèlerin pour aller au regard de la Vierge et la tête de Jésus. Une série de lignes parallèles croise cette diagonale sans la rompre, mais en la renforçant : culotte de l’homme et épaule de la femme, bâtons des pèlerins, tête penchée de la Vierge. Rien de majestueux : ni angelots, ni étoiles, ni rayons lumineux, ni représentation de la maison de Nazareth, ni même représentation du transfert miraculeux ! C’est une scène ordinaire si elle ne rendait compte à la fois de la ferveur populaire et de la bonté de la Vierge. « On » raconte, et tous les guides vous le répèteront, que les contemporains auraient été choqués par la représentation triviale des pieds des pèlerins. Ce ne serait pas si sûr.

 

L’église possède d’autres richesses. Une fresque de Raphaël (troisième pilier gauche de la nef, 1512) représentant le prophète Isaïe montrant un rouleau sur lequel est écrit sa prophétie annonçant la naissance du Christ et qui semble influencée par les fresques de Michel-Ange de la chapelle Sixtine. La Madone de la naissance de Jacopo Sansovino (1486 / 1570) dont la tradition populaire veut qu’elle soit adaptée d’une statue antique représentant Agrippine tenant dans ses bras le petit Néron (!). La Vierge et l’enfant avec sainte Anne est également de Sansovino et lui aurait apporté la gloire. Sainte Anne était notamment l’objet de vénération des poètes qui venaient lui réciter des poèmes ou les accrocher à la statue. Belle tradition ! On aimerait qu’elle se poursuive.

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] Michel de Montaigne. « Journal de voyage – 1580 / 1581 ».

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Sant'Eustachio

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 802
Promenades dans Rome