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Notes d'Itinérances
25 mai 2016

Luanda, la perle de l'Afrique (14/26). Au bout de la « Marginal », le rectorat.

Un rectorat qui joue le rôle d’un ministère de l’enseignement supérieur – Peu de moyens et de projets réalistes

 

 

Rendez-vous est pris au rectorat pour y étudier les possibilités de coopération internationale entre l’Angola et la France. En Angola, il n’existe pas de service de l’enseignement supérieur au ministère de l’éducation et les formations universitaires sont organisées par le rectorat, le recteur de l’université ayant rang de ministre.

 

Le rectorat est situé dans des locaux prestigieux : le « business-center » dominé par la haute tour d’une vingtaine d’étages, de l’hôtel « Presidente - Méridien ». Mais l’intérieur du bâtiment est complètement dévasté : ascenseurs en panne, plus de lumières dans les escaliers et les couloirs, faux plafonds éventrés exhibant tuyaux et fils électriques et, coupant les longs couloirs intérieurs, plusieurs portes autrefois vitrées dont il ne subsiste que l’entourage métallique. Personne ne se donne plus la peine de les ouvrir et chacun joue les « passe-muraille ».

 

Un factotum nous conduit à travers plusieurs portes jusqu’au vice-doyen qui, manifestement fâché, exige du malheureux qu’il suive strictement « la procédure » :

  1. déclarer l’arrivée des visiteurs à sa secrétaire ;
  2. les conduire dans la petite salle d’attente ;
  3. le prévenir de l’arrivée des visiteurs par l’intermédiaire de sa secrétaire et,
  4. enfin, nous faire introduire !

 

Marche arrière, on gomme et on recommence. Nous refaisons une partie du couloir en sens inverse, le factotum nous fait pénétrer dans le bureau de la secrétaire auprès de laquelle nous nous présentons. Elle nous accompagne alors dans une pièce aux fauteuils profonds où elle vient nous rechercher à peine deux minutes plus tard pour nous introduire dans le bureau du vice-recteur. Ouf ! Les règles ont été respectées !

 

Dans l’immense bureau du vice-recteur, trône un magnifique ordinateur tout neuf, protégé soigneusement par une housse en plastique, et qui manifestement ne doit pas servir souvent. Y a-t-il seulement de l’électricité ? Mais là n’est peut-être pas l’essentiel. Cet imposant ordinateur est surtout là pour signifier au visiteur que l’on est ici dans un lieu de pouvoir et de savoir.

 

Le vice-recteur présente les projets du rectorat, notamment la réhabilitation des locaux de la faculté des sciences agraires de Huambo, ce qui semble être une priorité tout à fait louable dans un pays où une grande partie de la population vit théoriquement des ressources de l’agriculture et de l’élevage. Toutefois, le vice-recteur précise que ce redémarrage pourrait se faire dans le cadre d’une décentralisation de l’université avec cinq centres localisés dans chacune des différentes régions de l’Angola pour des raisons politiques manifestes : Luanda bien sûr, l’enclave de Cabinda pour marquer l’appartenance de celle-ci à la nation mère, Huambo où était installée autrefois la faculté d’agronomie, puis au Nord, à l’Est et au Sud. Mais n’est-ce pas beaucoup pour un pays qui n’arrive déjà pas à embaucher les ingénieurs agronomes formés antérieurement dans différents pays, Portugal et URSS notamment ? Je n’ose toutefois rien dire !

 

Cette attitude volontariste et maximaliste est assez révélatrice des problèmes de l’administration angolaise. Coupés des réalités, sans personnel et sans aucun moyen, sans connaissance des problèmes de terrain, les responsables imaginent des projets sur la base de ce qu’ils ont vu ailleurs et non pas sur une analyse de la situation réelle du pays. En l’occurrence, la question est moins politique qu’économique : combien d’ingénieurs pourront trouver un travail à l’issue de leurs études ? Qui est susceptible d’embaucher les diplômés ? L’Etat ? Les ONG ? Les entreprises ? Et dans quels domaines de spécialisation ? Vulgarisation agricole ? Enseignement et recherche agronomique ? Agro-alimentaire ? Mais personne n’est capable de formuler de réponse en la matière d’une part parce que tout est à faire, ou refaire puisque plus rien ne fonctionne, et d’autre part parce qu’il n’existe aucune étude des secteurs agricole et agro-alimentaire.

 

Les responsables angolais ne peuvent généralement pas préciser leurs demandes qui restent floues, de fait, le plus souvent, ils semblent espérer de leurs interlocuteurs une expertise qui leur permette d’y voir plus clair en matière de définitions d’objectifs et de stratégie en formation professionnelle. Bref, la balle est dans mon camp !

 

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