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Notes d'Itinérances
13 janvier 2019

Iran - Histoire et architecture (6/19). Les Sassanides (224 / 651) - Le casse-tête de la coupole.

Influences réciproques entre Orient et Occident dans la création de la coupole

 

 

En architecture, il existe quelques casse-têtes fondamentaux, la voûte bien entendu, mais aussi la coupole. La coupole est une voûte hémisphérique qui peut être de profil semi-circulaire ou elliptique. Il est aussi possible de la poser sur une structure circulaire élevée, le tambour. Une telle structure hémisphérique est attrayante en architecture car elle permet de rompre avec la linéarité des cubes et des parallélépipèdes des salles des temples, des palais ou des maisons. C’est aussi une forme qui symbolise la voûte des cieux et qui se prête donc à l’édification d’édifices religieux. Nos références culturelles « d’Occidentaux » [1], très ethno-centrées, nous laissent à penser que l’histoire de la coupole en architecture se décline en trois actes fondateurs : le Panthéon de Rome (118 / 125), Sainte-Sophie de Constantinople (532 / 537) et Santa Maria del Fiore de Florence (1418 / 1438). Et qu’ainsi on aurait résolu la quadrature du cercle : comment passer d’une structure à base carrée à une superstructure ronde !

 

Les tous premiers dômes ont été réalisés en encorbellement à l’image des trulli de la région des Pouilles. Toutefois, cette technique ne permet pas de faire des salles de grande importance. Les plus grands dômes en encorbellement seraient les tholos d’Agamemnon (1250 av. JC) et de Clytemnestre (1220 av. JC), à Mycènes, en Grèce, avec une hauteur de 13,20 mètres. Mais les tholos sont des structures souterraines, pas des structures aériennes.

 

Les grandes coupoles hémisphériques sont apparues dans l'architecture romaine comme le Panthéon (118 / 125, 43,30 mètres de diamètre). Les Romains savaient parfaitement construire des coupoles, ou des demi-coupoles, surélevées, posées sur des murs circulaires ou demi-circulaires comme dans les basiliques civiles romaines où l’une des extrémités est occupée par une abside. De fait, les architectes romains éludaient tout simplement le problème du passage d’un carré de base à un cercle de couverture, en construisant leurs coupoles sur des murs circulaires ou ayant un assez grand nombre de pans [2], quitte à inclure la rotonde et sa coupole dans un bâtiment carré.

 

Le premier exemple d’une grande coupole posée sur une base carrée c’est Sainte-Sophie (532 / 537, 32,60 mètres de diamètre). La réalisation est absolument remarquable par son ampleur, Sainte-Sophie restera le plus grand dôme surélevé jamais construit pendant près d’un millénaire ! Compte-tenu de cette taille gigantesque, et sans rien enlever au génie de ses architectes, il serait néanmoins étonnant qu’ils aient pu résoudre la question du passage d’un plan carré à un plan circulaire sans s’appuyer sur d’autres réalisations antérieures plus modestes. Pour pouvoir poser une structure circulaire sur une structure carrée, il faut pouvoir assurer une articulation entre elles, dans les « coins » du carré ! Pour ce faire, il est possible de faire une transition du carré au cercle par l’intermédiaire d’un octogone, en « coupant les coins » du carré avec des « trompes » d’angle [3]. 

 

La coupole du palais de Firuzabad de l’époque Sassanide (IIIesiècle) est le premier exemple connu de l'utilisation d’une coupole sur trompes, c'est-à-dire employant un système de niches dans les angles pour assurer la transition entre le carré de la salle et le cercle de la coupole.Si les Byzantins ont utilisé la trompe d’angle perse pour ériger les coupoles de leurs églises, cette technique n’est toutefois utilisable que pour assurer la jonction entre quatre puissants murs latéraux et la coupole.Pour suspendre de vastes coupoles, sur quatre piliers disposés en carré, c’est à dire la suspendre quasiment dans le vide, les Byzantins ont innové à leur tour en inventant une autre technique de jonction entre la base carré et la coupole : le pendentif. Le pendentif est une section triangulaire d’un volume hémisphérique, posé sur un coin du carré. Il permet un passage direct du carré au cercle sans utiliser une forme octogonale.

 

Il revient donc aux Persans de la période Sassanide d’avoir résolu, les premiers, ce casse-tête architectural et l’histoire de la coupole en architecture ne peut se comprendre qu’au travers d’échanges et de complémentarités entre Orient et Occident !

 


[1] Occidentaux : Originaires de l'Occident… plus spécifiquement de l'Europe de l’Ouest et de l'Amérique du Nord !

[2] Meguellati Atef. « Modélisation paramétrique - Coupoles d’Orient & d’Occident ».  Mémoire de Master Design Global. Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy. 2008.

[3] Un exemple, plus tardif (1088) de cette technique est celui de la coupole Nord de la mosquée du Vendredi à Ispahan (photo).

 

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