Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
29 août 2021

Algérie au coeur (21/42). Une soirée impromptue à Sétif.

Gros rouge qui tâche, fruits et couscous !

 

 

« La cuisine rapproche les peuples » [1].

 

Nous trouvons sans trop de difficultés l’adresse du logement du surveillant général de l’établissement lequel nous attend chez lui, manifestement gêné. Il a bien reçu notre carte mais avait oublié notre venue ; c’est le directeur qui vient de le lui rappeler alors qu’il était au Café. Malheureusement il ne peut pas nous héberger parce qu’il accueille de la famille à l’occasion de la circoncision de son fils. Son visage s’éclaire quand nous lui apprenons que nous avons loué une chambre d’hôtel et il nous offre de dîner avec sa famille. Sa femme va préparer un couscous si nous pouvons revenir dans une heure. Pas de problème, d’autant moins que nous avons promis de retourner voir notre nouvel ami comptable !

 

Malgré la nuit qui tombe et l’obscurité qui règne dans le dédale des rues des nouveaux quartiers, nous finissons par retrouver l’adresse de l’appartement. Le comptable nous guette à la fenêtre et nous fait de grands signes. Nous sommes entourés, salués, congratulés chaleureusement, par ses amis et voisins qu’il a averti de notre visite et qui s’entassent dans la salle de séjour. Quand il s’étonne que nous n’ayons pas nos bagages, il nous faut avouer que nous sommes aussi attendus chez le surveillant général pour manger le couscous et que nous avons laissé les valises à l’hôtel. Consternation ! Il avait justement rangé la salle de séjour, fait les lits avec des draps propres et même préparé une petite collation ! Nous nous excusons, répétant à l’envie que nous ne voulions pas le déranger, mais il faut bien avouer que cette notion, plutôt bourgeoise, semble parfaitement incongrue ici. Cela ne fait rien, nous sommes invités à partager une collation composée de fruits et de vin rouge ! Installés sur un divan, au milieu de nos nouveaux amis, nous sommes interrogés sur la France, sur ce que nous avons vu en Algérie, ce que nous en pensons, sur les rapports entre nos deux pays. Les fruits et le vin rouge circulent, bien qu’il nous soit difficile de boire du rouge à 13°5 avec des pêches et du raisin. De notre place, nous pouvons aussi constater que la pièce a été rapidement nettoyée, le linge sale étant tous simplement poussé sous les meubles. Mais l’ambiance est chaleureuse et la discussion pourrait durer toute la nuit, aussi, après avoir très, très, largement dépassé le délai d’une heure que nous avait laissé le surveillant général, nous faut-il quitter nos hôtes après forces démonstrations de sympathie et promesses de revenir.

 

Mais la soirée n’est pas finie pour autant, il faut maintenant aller manger le couscous chez le surveillant général. Bien qu’étant très en retard sur l’heure annoncée, cela ne pose aucun problème au contraire, car son épouse est encore en train de rouler la semoule. Le temps s’écoule ici à des vitesses bien différentes... à la vitesse de la préparation d’un couscous laquelle exige d’aller acheter tous les ingrédients avant de commencer à les cuisiner. A l’aune de nos règles sociales habituelles, cela nous met dans une position délicate : débarquer à l’improviste et obliger la femme de notre hôte à préparer un couscous alors qu’elle vient d’accueillir toute sa famille pour la circoncision de son fils. Mais, tout en aidant à la préparation, mon épouse engage avec notre hôtesse une discussion animée sur les différentes manières de préparer le couscous et sur les secrets de chaque cuisinière : faire revenir ou non les légumes avant de les cuire à la vapeur ? Servir le couscous avec ou sans pommes de terre ? Graves questions qui peuvent aussi se décliner avec les choux, le céleri, la courge... sans parler des différentes épices, le paprika, la cannelle, et le coriandre ? En feuilles ou en graines pilées ? Huile d’olive ou beurre salé ? C’est une manière infaillible pour développer des relations sociales riches tant il y a de combinaisons possibles pour préparer le couscous. Bien évidemment, il existe autant de recettes de couscous que de familles, chacune tenant à la sienne et à son goût particulier. A ce petit jeu, on est quasi assuré de développer de nouvelles amitiés et complicités, car décrire sa manière de préparer le couscous, c’est offrir à l’autre un des éléments les plus intimes de la vie de votre famille. 

 


[1] Manuel Vazquez Montalban. « La rose d’Alexandrie ». 1984.

 

Liste des articles sur Algérie au coeur

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 802
Promenades dans Rome