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Notes d'Itinérances
21 février 2022

Emilie - Romagne (11/28). Delta du Pô - Abbaye de Pomposa.

Représentations de la souffrance et de l’enfer

 

 

Située sur le lac Giralda, au sud de l'embouchure du Pô, sur des terrains marécageux à la lisière de l'Adriatique, l'abbaye de Pomposa fut vraisemblablement fondée au VIe siècle . Elle est mentionnée pour la première fois dans un fragment de lettre datant de 874. Jusqu'au XIVe siècle, l'abbaye jouit de grandes propriétés, à la fois dans son environnement proche, dont une saline à Comacchio, mais aussi dans le reste de la péninsule. Ensuite, sa puissance décline du fait de facteurs géographiques et environnementaux, paludisme, submersion des terres alentours avec l’affaissement des sols, mais aussi déviation du lit de la rivière.

 

Le noyau le plus ancien de la basilique remonte aux VIIe et  IXe siècles. Au XIe siècle, la nef est allongée de deux travées et de l'atrium.

 

L'intérieur de l'église est composé de trois nefs, divisées par des colonnes romaines et byzantines. La nef centrale est plus haute que les nefs latérales et est percée de rares fenêtres. Vers 1360, les murs de la nef centrale sont entièrement peints de fresques, sur trois niveaux, par Andrea da Bologna, de l'école bolognaise de peinture. Au niveau le plus élevé, celui des fenêtres, en lisant en partant du chœur, côté droit puis côté gauche, elles représentent des scènes de l'Ancien Testament. En dessous, ce sont des scènes du Nouveau Testament puis, en bordures des arcades, des scènes de l'Apocalypse selon saint Jean. 

 

Dans les scènes représentées, on est loin de l’ensemble des images de beauté et de sérénité de l’iconographie des mosaïques de Ravenne. Plus de bon pasteur avec son troupeau de moutons au milieu d’un pré fleuri, plus de procession de martyrs sagement alignés se dirigeant vers Jésus, plus de composition de fleurs et de fruits, de biches et de douces colombes de chaque côté d’une fontaine… Mais, pour l’ancien testament, la tentation du serpent, Caïn et Abel, le déluge, Daniel dans la fosse aux lions ; pour le nouveau testament, le massacre des innocents, la crucifixion, le jugement dernier et, pour finir, les horreurs de l’enfer. Les démons infligent des tortures cruelles aux damnés pour avoir pêché ; ceux qui se laissaient aller à la colère sont représentés transpercés par l’épée d’un démon, ceux qui s’étaient livrés à l’adultère sont personnifiés par une femme (une femme, tiens donc !!!) tirée par les cheveux par un diable. Et, en dessous, Lucifer figuré par une énorme tête cornue, sans corps, rabat de ses deux bras les damnés vers sa mâchoire, au-dessus d’un grand pot rempli de leur sang ! 

 

L’apocalypse selon Saint-Jean n’est pas en reste dans le registre de l’horreur, l’hydre à sept têtes, la bataille de l’ange contre le démon… 

 

La comparaison de ces images avec celles des mosaïques de Ravenne souligne comment a évolué l’iconographie chrétienne.Avec l’image du Bon pasteur qui rappelle le message de la bonne nouvelle ; « pas de scènes de sépulture, ni de lamentations funèbres, d’ombres et de spectres, ni de divinités infernales ou de descriptions du royaume des morts. Ici, la mort est absente : cet art jaillit de la foi au Ressuscité »  [1]. L’image du Bon pasteur invite certes à méditer sur la mort, mais le regard se tourne vers la vie.

 

Au Moyen Âge, la tradition artistique chrétienne a donné naissance dans toute l’Europe à un ensemble important d’œuvres d’art reliées à la représentation du calvaire du Christ, de la crucifixion et de la déposition. Les fidèles sont invités à participer à des rites liés aux scènes de la crucifixion, avec des prières, des chants, des lamentations, voire avec des pénitences publiques autour de la souffrance du Christ et de la douleur de la Vierge et des saints qui l’accompagnent. Le fidèle est invité, non à se réjouir de la bonne nouvelle, mais à compatir, à souffrir. La glorification du Christ, de la Vierge, des saints, le récit de leurs souffrances, la représentation des tourments de l'enfer, seront les thèmes que la peinture traitera désormais pendant plusieurs siècles. 

 

A une iconographie de sérénité succèdent des images de douleur… A la foi chrétienne acceptée et désormais triomphante, succède une église alliée du pouvoir qui impose sa puissance ?

 


[1] Antonio Scattolini. « Une catéchèse de la mort et de l’espérance : Annoncer l’Évangile de la vie en exploitant des trésors de l’art chrétien ». In « Revue Lumen Vitae », n°LXVI. 2011.

 

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