Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
27 mai 2022

Parione - Entre Campo dei Fiori et Place Navone (4/21). Un palais de la première Renaissance, le Palais de la Chancellerie.

Un palais de la première Renaissance - Une citadelle bien protégée

 

 

Un dernier regard et une dernière pensée pour ce pauvre Giordano Bruno avant d’aller jeter un œil sur ce palais de la Chancellerie qu’il défie avec entêtement depuis plus d’un siècle. Son architecture est intéressante car il est, à Rome, un des rares exemples de palais de la première Renaissance. C’est le cardinal Raffaele Riario, petit neveu du pape Sixte IV (1471 / 1484), qui en aurait passé commande. On raconte qu’il aurait pu faire débuter les travaux grâce aux 70 000 ducats gagnés aux dés contre Franceschetto Cybo, fils du futur pape Innocent VIII Tomasello (1484 / 1492). 

 

Juste retour des choses, le cardinal Raffaele Riaro fut la victime d’une des plus célèbres escroqueries en matière de vente d’œuvres d’art. Michel-Ange, LE GRAND Michel-Ange, aurait sculpté une statue représentant Cupidon endormi qu’il aurait enterrée dans son jardin à Florence pour échapper à la terreur religieuse et sectaire du prêtre Savonarole. Lors de son installation à Rome et constatant que cela avait donné une patine ancienne à la statue, Michel-Ange l’aurait vendue comme antique au cardinal. Tout cela n’apparaît pas parfaitement moral, mais révèle les mœurs du temps !

 

Le palais a été commencé en 1483 et entièrement achevé en 1511 (photo). Quelques références d’architecture de la même époque pour faire comparaison : à Florence, le palais Rucellai est de 1455 et le palais Strozzi de 1489 ; à Rome, le palais Farnèse est de 1513 et l’aile de Bramante du palais du Vatican de 1514 ; enfin, côté français, le château d’Azay-le-Rideau est de 1518, celui de Chambord de 1519. 

 

L'architecte du palais n'en est pas connu avec certitude, on évoque les noms d'Andrea Bregno et de Bramante, mais il pourrait être de Bacchio Pontelli (1450 / 1492). La façade principale montre une disposition inspirée du palais Rucellai de Florence : une façade traitée selon une rigoureuse symétrie marquant le retour à l’inspiration antique. Elle est rythmée à la fois par les trois niveaux, séparés par des entablements, mais aussi par la séparation verticale introduite par les pilastres. Toutefois, en regard du palais Rucellai, le rez-de-chaussée, ne présente pas de pilastres et, dans les étages, deux pilastres séparent chaque fenêtre. Le rapport des espaces entre les pilastres est celui du nombre d'or. Les fenêtres en plein cintre s'encadrent dans des rectangles à fronton. Les proportions des fenêtres de leurs frontons et l'encadrement des pilastres sont également régies par le nombre d’or. Le bossage lisse du rez-de-chaussée, les entablements moins marqués, les fins pilastres des étages, donnent à l’ensemble un aspect plus léger, plus lisse et moins massif qu’au palais Rucellai. 

 

Le portail principal est de Domenico Fontana (XVIe siècle). La cour intérieure serait de Bramante, inspirée de l’architecture florentine avec deux séries d’arcades superposées, d’ordre toscan, mais le dernier étage est clos et agrémenté de pilastres. Il serait copié du Colisée, et inaugurerait une tradition typiquement romaine. Pour construire le palais, il fut largement fait appel aux carrières locales de marbre, à savoir le Colisée et le théâtre voisin de Pompée ! Pourquoi aller chercher plus loin des éléments de décor que l’on avait sous la main ?

 

Comme les palais florentins, le palais de la Chancellerie reste une citadelle, peu ouverte sur l’extérieur, difficile d’accès, bien protégée. C’est que les rues de Rome, comme celles de Florence, n’étaient pas très sûres à l’époque. Ce n’est que vers le milieu du seiciento (1650) que la police papale assurera une sécurité très relative dans la ville. 

 

« Le palais de la Chancellerie est triste, tant au-dehors qu’au-dedans, les appartements m’ont paru sombres. L’intérieur de la cour est orné d’une belle colonnade antique et de belles statues » [1].

 

Des boutiques étaient louées au rez-de-chaussée car il fallait pouvoir couvrir les frais d’entretien du bâtiment. Elles l’étaient jusqu’au début du XXIe siècle avec des boutiques de prêt-à-porter de luxe dans cette enclave de la diplomatie vaticane, mais elles ont disparu après la dernière rénovation du bâtiment.

 


[1] Charles De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Parione

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 616