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Notes d'Itinérances
27 juin 2023

Campitelli - Le tour du Forum (17/25). Grandeur passée, la FAO (rione San Saba).

L’empire du plus petit dénominateur commun

 

 

Le siège de la FAO-OAA (Food and Agriculture Organization - Organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture) est situé sur la place de la Porta Capena, entre le Circo Massiimo et les Thermes de Caracalla. Créée le 16 octobre 1945 à Québec, par 44 pays, la FAO a pour but « d’élever le niveau de nutrition et des conditions de vie des populations ». L’Italie a été choisie pour l’accueillir parce que Rome avait été le siège de l’Institut International d’Agriculture et qu’elle avait un bâtiment à proposer lequel aurait dû abriter le ministère de l’Afrique italienne.

 

Mussolini ne manquait pas d’ambition de ce point de vue ! En juin 1936, l’Érythrée, la Somalie et l’Éthiopie, occupées par l’Italie après des guerres au cours desquelles furent utilisées des armes chimiques et bactériologiques interdites par la convention de Genève, sont réunies au sein de l'Afrique Orientale Italienne. En mai 1937, un ministère de l'Afrique italienne remplace l'ancien ministère des Colonies. Près de deux cent mille Italiens partent s'installer en Afrique orientale alors que cent vingt mille arrivent en Libye. Le budget de l’État attribué aux colonies est multiplié par quatre, de 1936 à 1938, représentant alors jusqu'à 12,5 % du budget de l’État. Pour gérer ces nouveaux territoires italiens, il fallait une administration conséquente, d’où la construction d’un énorme bâtiment dans une architecture rationaliste, fonctionnaliste, mais à mon avis sans génie, faisant référence à un très quelconque « classicisme néo-romain » comme pour les bâtiments du quartier de l’EUR.

 

Lors de ma première visite dans ce « haut-lieu de la réflexion » sur l’agriculture et l’alimentation, avec une délégation d’un établissement scientifique agronomique, j’étais très impressionné par les organisations internationales en général et la FAO en particulier. Nous avions été invités à déjeuner par un des directeurs de l’institution et nous devisions en posant des questions sur l’institution. A l’interrogation d’un de mes collègues sur le nombre de personnes qui travaillaient dans l’immeuble, ce directeur nous répondit avec le plus grand sérieux : « Oh, 50% ! ». Nous rîmes… J’avais tort ! 

 

J’étais jusqu’alors de ceux qui croyaient que ce type d’institution internationale pouvait jouer un rôle important au regard de la Paix dans le monde et de l’avenir de la planète. Qu’elle pouvait être un forum, un lieu de réflexion et de proposition, une caisse de résonance, où l’on pouvait faire entendre des voix différentes, des expériences nouvelles, qu’elle permettait de défendre une agriculture non capitalistique et productiviste encore préconisée par certains États. Une expérience de plusieurs années de relations et d’échanges avec la FAO (et d’autres institutions internationales) m’a dessillé les yeux : ces institutions sont des monstres administratifs dans lesquels chacun pense surtout à défendre sa place, son petit projet, sans vision globale, sans idées nouvelles. Ces « machins » sont en décalage avec le mouvement social, à la traîne concernant les analyses et l’élaboration de prospectives imaginatives et courageuses. Au mieux, ils s’efforcent de récupérer, avec retard, les travaux pertinents effectués par d’autres. Ce bilan est déjà en soi très grave mais, en plus, cette institution demeure persuadée qu’elle est la spécialiste des questions agricoles et alimentaires, la porte-parole mondiale du problème, l’expert indiscutable qui doit piloter la réflexion alors qu’elle ne fait qu’entériner des débats anciens, en retard avec les nouvelles analyses [1]. Je crois que le rapport « résultat / coût » de l’institution est très faible. En utilisant un consensus mou entre les États, la FAO défend le plus petit dénominateur commun ! La FAO coûte cher, sans projet, sans efficacité, et notamment sans impact pour la défense de l’agriculture familiale des pays en développement [2].

 

Faute de fil d’Ariane pour s’en sortir, ne reste-t-il comme solution que la destruction du labyrinthe lui-même ? Hélas, je le pense et, vu la qualité architecturale de l’immeuble de la FAO, ce ne serait pas une si grosse perte.

 


[1] Cf. ses prises de position sur les agro-carburants.

François Polet. « Expansion des agrocarburants au Sud : dynamique et impacts ». in « Alternatives sud ». 2011.

[2] Ludovic Lamant. « Crise alimentaire : faut-il vraiment supprimer la FAO, cet outil si décrié des Nations-Unies ? ». Mediapart. 02/06/2008.

Le Chinois Qu Dongyu élu Directeur Général, en 2019, avait souligné qu’il fallait « réformer » et « transformer » pour « faire une FAO nouvelle, plus jeune et plus dynamique » ! Mais l’institution est-elle réformable ?

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades autour du Forum

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