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Notes d'Itinérances
4 juin 2020

Celio - Entre parcs et églises romanes (3/11). Santi Quattro Coronati – Les Quatre-Saints-Couronnés.

L’histoire de la papesse Jeanne – Une église fortifiée au moyen-âge

 

 

Du Colisée, allez à l’église Santi Quattro Coronati (des Quatre-Saints-Couronnés) par la rue éponyme. En arrivant derrière l’abside de l’église, au croisement avec la via dei querceti (rue des chênes… aux temps lointains où le Celio était recouvert d’une forêt), au coin de la rue sur votre gauche, il y a une petite chapelle, en avancée sur la rue, fermée par un portail en fer dont la partie haute est ajourée. Sur le mur du fond est dessinée une vierge à l’enfant qui pourrait dater du XVe siècle. C’est une des plus ancienne madonelle de Rome.

 

Outre son ancienneté et sa situation dans une petite chapelle, cette madonelle présente un autre intérêt. Selon la légende, c’est à cet endroit que la papesse Jeanne aurait donné naissance à un fils ! L’histoire de l’existence d’une femme qui serait devenue pape traverse tout le Moyen-âge [1]. Vers 850, une jeune fille, originaire de Mayence, nommée Jeanne, réussit à entrer dans le clergé romain en se faisant passer pour un homme. Remarquée par sa piété et son érudition, elle est nommée cardinal puis élue pape. Mais en se rendant de la basilique de San Giovanni in Laterano à la basilique Saint-Pierre, au croisement des rues Santi Quatro Coronati et dei querceti, la jeune femme, prise de douleurs, accouche d’un fils ! Découvrant la supercherie, la mère et l’enfant auraient été mis à mort par la foule. La chapelle et la madonelle participeraient à purifier un lieu où se seraient passés des évènements scandaleux, une supercherie impie et un assassinat.

 

Cette histoire (une « fake news » dirait-on aujourd’hui !), dont l’authencité n’était pas mise en cause au moyen-âge, a été utilisée comme argument dans les débats sur la monarchie pontificale, la légitimité de la Curie ou la primauté romaine dans l’église chrétienne. Elle est intéressante par ce qu’elle révèle de ces débats savants mais aussi sur la manière dont cette histoire s’est répandue dans le peuple romain, puis concrétisée avec l’édification de cette petite chapelle.

 

Les quatre saints de l’église voisine seraient des soldats chrétiens ayant refusé de sacrifier à Esculape, le dieu de la médecine. Ils ont été condamnés par l'empereur Dioclétien (284 / 305) à être exécutés, ce qui a été fait en leur enfonçant une couronne de fer dentelée dans le crâne ! Une méthode de mémorisation à déconseiller aux parents et enseignants car fort peu pédagogique. Le sanctuaire d’origine, fondé au IVe siècle dans l’abside d’une villa romaine, fit place à une grande basilique au IXe siècle dans la crypte de laquelle ont été déposés les corps des martyrs dans quatre sarcophages anciens.

 

Cette basilique fut détruite en 1084 lors de l’invasion des Normands (en fait, pour l’essentiel, des mercenaires musulmans !) de Robert Guiscard et du grand incendie qui suivit. C’est que le pape Grégoire VII Aldobrandeschi (vers 1015-1020 / 1085) avait appelé à l’aide les Normands alors qu’il était assiégé dans le château Sant'Angelo par les troupes de l’empereur romain-germanique Henri IV, celui-là même qu’il avait précédemment humilié à Canossa pour une querelle d’investiture d’évêques. Les « Normands » pénétrèrent dans Rome par la Via Appia, pillant au passage San Giovanni a Porta Latina, Santi Giovanni e Paolo, Les Quatre-Saints-Couronnés, et Saint-Clément. Derrière cette église la via dei Normanni rappelle cette dramatique histoire. C’est que, si les « Normands » firent fuir les troupes impériales et libérèrent le pape, le résultat fut néanmoins pire que le mal car ils se livrèrent au sac de Rome notamment de la zone du Celio, de l’Aventin et du Latran, entraînant un dépeuplement durable de cette zone. 

 

Le pape Pascal II Raniero de Bieda (1050 / 1118) fit ensuite construire une basilique plus petite avec deux cours, la première correspond à la cour originale et la seconde à une partie de la nef de la basilique antérieure. Les fresques de l’abside (1630) illustre l’histoire des quatre soldats chrétiens. Au XIIIe siècle, un cloître à la décoration cosmatesque est ajouté et l’ensemble est fortifié avec l’érection d’un palais baronnial [2] afin de protéger le quartier du Latran. 

 


[1] Boureau Alain. « La papesse Jeanne. Formes et fonctions d'une légende au Moyen Âge ». In « Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ». N°3. 1984.

Boccace. « De Jeanne, pape anglais ». In « Des dames illustres », chapitre 94. 1353.

[2] Hélas, très rarement ouvert, le palais baronnial et ses fresques du XIIIe siècle. La salle gothique est située au premier étage de la Tour principale ; elle était le lieu le plus prestigieux du palais cardinalice érigé par Stefano Conti. Ici se déroulaient les banquets, les réceptions et se rendait la justice.

 

Liste des promenades dans Rome et lliste des promenades dans le rione de Celio.

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