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Notes d'Itinérances
11 mars 2023

Rome, étrange et curieuse (7/45). Rione Campo Marzio IV (2) – Le fantôme de Néron n’est pas réapparu - Piazza del Popolo.

Le fantôme de Néron pour terroriser les Chrétiens une nouvelle fois

 

 

« Vers l’an 1099, quelque homme adroit épouvanta le peuple de Rome de l’ombre de Néron, mort seulement mille trente et un an auparavant. Le cruel empereur enterré dans le tombeau de sa famille sur le collis hortilurum (Mont des jardins), aujourd’hui Monte Pincio, s’amusait de reparaître de nuit pour tourmenter les vivants. Probablement à cette époque on ne faisait pas grande différence entre un démon et un empereur romain persécuteur de Chrétiens. L’on ne manqua pas de construire bien vite la jolie église où nous sommes, et Néron, effrayé, n’a plus reparu » [1].

 

La tradition veut que l’église Santa Maria del Popolo occupe le lieu de sépulture de l'empereur Néron, lequel conserve la fâcheuse réputation d’avoir persécuté les Chrétiens notamment à l’occasion du grand incendie de Rome, en 64. Le 9 juin 68, déclaré ennemi public par le sénat, Néron fuit Rome. Il sort de la ville par la porte Nomentano, pour se réfugier dans la maison d'un de ses affranchis, entre les voies Nomentano et Salaria. Il essaie à plusieurs reprises de se donner la mort et, en entendant les cavaliers qui viennent l’assassiner, il a le secours de son secrétaire Épaphrodite pour s'enfoncer un poignard dans la gorge. Avant de mourir, Néron, alors âgé de trente ans, aurait dit « Qualis artifex pereo ! » (Quel artiste périt avec moi !). Après l’incinération de son cadavre, ses nourrices Eglogé et Alexandra, avec sa concubine Acté, déposent ses cendres dans le tombeau de sa famille, lequel se situait à l’extrémité des jardins du Pincio. 

 

Plus de mille ans plus tard, son fantôme revenait donc terroriser les habitants du quartier ! Le souverain-pontife, Pascal II de Bieda (1050 / 1118), aurait alors prescrit trois jours de jeûne à titre de mesure curative. Il se serait retiré pour prier dans l'isolement et la sainte Vierge lui serait apparu en lui ordonnant d’abattre un noyer, toujours envahis d’une nuée de corbeaux, dans lequel se produisaient ces étranges manifestations. Dans les racines de l’arbre aurait été trouvée une urne de Porphyre contenant des cendres lesquelles furent jetées dans le Tibre. Bien évidemment le pape fit également construire à l’emplacement du noyer, en 1099, une chapelle dédiée à la Vierge (Santa Maria). Depuis, le fantôme de Néron ne fait plus parler de lui.

 

La chapelle aurait été érigée aux frais du peuple romain… ce qui expliquerait son nom de Sainte-Marie du Peuple ; le toponyme passa ensuite de l’église à la place qui s’appelait auparavant « di Trullo » par suite de la forme de la fontaine qui l’ornait [2]. Il est en effet peu habituel qu‘une place, surtout une place aussi prestigieuse, soit dédiée au « peuple », le peuple n’étant pas habitué, en général, à tant d’égard à son encontre. Il reçoit souvent plus de coups de bâton ou de matraque que de marques d’estime ! Combien existe-t-il d’autres « places du peuple » dans le monde ? [3]. Autre explication de cette curieuse dénomination : à cet endroit poussaient de nombreux peupliers (« populus » en latin) ce qui expliquerait le nom actuel de l’église (Santa Maria del Popolo, Sainte-Marie-du-Peuplier), les peupliers se transformant ensuite en peuple ! 

 

La chapelle a été transformée en église par le pape Grégoire IX de Agnani (1145 / 1251) et donnée aux Augustins de Lombardie. Entre 1472 et 1477, l'église est reconstruite. Elle présente un plan simple, en croix latine à trois nefs, correspond au modèle des églises cisterciennes, et une façade simple également, presque austère, mais retravaillée par Le Bernin. Le chœur de l’église a été conçu par Bramante entre 1500 et 1509, sur les ordres du pape Jules II Della Rovere [4]. Le Pinturicchio a terminé la décoration de la voûte du chœur en 1510 sur le thème du couronnement de la Vierge, des Évangélistes, de Sibille et des docteurs de l'Église. Les vitraux sont les plus anciens de Rome, fabriqués par l'artiste français Guillaume de Marcillat en 1509 ; ils représentent des scènes de l'enfance du Christ d'un côté, et la vie de la sainte Vierge de l'autre. Sixte V Peretti (1521 / 1590) classa l’église parmi les sept qui devaient être visitées par les pèlerins pendant l'année sainte afin d’obtenir des indulgences. Enfin, la Chapelle Gerasi accueille deux Caravage « La crucifixion de Saint Pierre » et « La conversion de Saint Paul » (1601 / 1604). 

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] Un trullo est un petit édifice rond de pierres sèches.

[3] Je n’en connais qu’une autre, à Shanghai, sur l’ancien hippodrome de la concession internationale.

[4] Romanchurches. Santa maria del Popolo.

 Liste des promenades dans Rome  et liste des promenades dans Rome étrange et curieuse

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