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Notes d'Itinérances
10 octobre 2022

Castro Pretorio / Piazza della Repubblica (12/15). La via XX settembre.

La rue des ministères - Défense, Agriculture et Trésor !

 

 

La place San Bernardo est traversée par la via XX Settembre. Celle-ci n’est pas totalement dénuée d’intérêt, historiquement du moins, à défaut de l’être au niveau architectural. Son nom rappelle un moment important de l’unification italienne car c’est par cette voie que, le 20 septembre 1870, les troupes du roi d’Italie investirent Rome. Le 1er juillet 1871, Rome devient officiellement la capitale de l’Italie enfin unifiée, et le conseil municipal de Rome du 30 novembre 1871 renomme ainsi l'ancienne via di Porta Pia.

 

La ville est alors confrontée à l’exigence d’accueillir les services du nouvel État et leurs personnels. De grands travaux sont lancés, la sécurisation des quais du Tibre en tout premier lieu mais aussi de grandes artères dans le tissu urbain ancien (via Nazionale, via Cavour, corso Vittorio Emanuele), de vastes places (piazza Vittorio Emanuele II, piazza della Repubblica), la construction de ministères (agriculture, Trésor, Intérieur, Éducation, palais de Justice) dans les nouveaux quartiers résidentiels, et l’installation des services d’une grande ville (abattoirs, halles, usines à gaz et électrique), au sud, dans le quartier du Testaccio.

 

Les grandes familles nobles vendent leurs vastes domaines, d’autant que la source de leur richesse, fondée sur des domaines agricoles et des charges ecclésiastiques, se tarit. Parcs et jardins sont remplacés par de nouveaux quartiers, notamment au sud des voies de chemins de fer ou dans le Pratti di Castelo (derrière le château Saint-Ange). Cette urbanisation assez anarchique au début est petit à petit canalisée dans le cadre de plans régulateurs.

 

« Entre le Quirinal, le Viminal et l’Esquilin, il s’est élevé depuis 1870, tout un beau quartier dont la partie ouest, jusqu’à la gare, comprend beaucoup d’hôtels » [1].

 

Les édifices qui sont alors construits le sont sur une même trame, comme dans toutes les grandes capitales européennes de l’époque. A Rome, cette trame est fondée sur des immeubles à quatre ou cinq étages, alignés sur la rue, symétriques, avec des rez-de-chaussée et des encoignures de pierres grises à la piémontaise, la façade étant recouverte d’un enduit ocre, concession à la tradition romaine. Les rues déterminent de grands axes se terminant sur une vaste place ou un imposant monument. Les ministères sont dispersés au milieu de zones résidentielles même s’il y a parfois quelques concentrations. C’est notamment le cas de la via XX Settembre qui accueille successivement les ministères de la Défense (1885), de l'Agriculture (1904) et du Trésor (1877 - photo). Si le ministère italien de l’Agriculture est moins massif que le français (Paris, 1889), il est aussi moins laid ; quant au ministère du Trésor, il est particulièrement gigantesque et colossal. 

 

« Comme il arrivait à cette rue neuve du Vingt-Septembre, ouverte sur le flanc et sur le sommet du Viminal, Pierre fut frappé de la somptuosité lourde des nouveaux palais, où s’accusait le goût héréditaire de l’énorme. (…) Mais surtout il demeura béant devant le ministère des Finances, un amas gigantesque, un cube cyclopéen où les colonnes, les balcons, les frontons, les sculptures s’entassent, tout un mondé démesuré, enfanté en un jour d’orgueil par la folie de la pierre » [2].

 

Le style du ministère du Trésor est typique d’un style néo-Renaissance qui sera développé à Rome entre 1871 et la première guerre mondiale : sur un rez-de-chaussée avec coins en pierre de taille s’élèvent deux niveaux reliés par des colonnes engagées colossales puis une mezzanine au-dessus d’une corniche. A la fin du XIXe et au début du XXe siècles, tous les États de l’Europe, lancés dans l’apparition d’une grande bourgeoisie capitaliste et l’industrialisation, ont produit les mêmes énormités architecturales d’Helsinki à Rome, comme de Londres à Moscou, en passant par Berlin ou Vienne. Chacun de ces bâtiments prétentieux affirmait souvent un caractère dit « national », néo-classique à Paris, néo-Renaissance à Rome ou « boyard » à Moscou. A défaut, ils s’efforçaient de reproduire, en « amélioré » bien sûr, donc en plus grand, plus haut et plus décoré, un monument grec, romain, gothique, Renaissance, baroque ou classique. Mais, dans presque tous les cas, c’est laid et lourd ! 

 

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