Monti, entre Cavour et Nazionale, la Suburra (9/11). Le jardin suspendu de la villa Aldobrandini.

Vue exceptionnelle sur Rome

Il est intéressant de comparer les deux façades des deux églises voisines, Santi Domenico e Sisto et Santa Caterina a Magnanapoli car elles sont traitées assez différemment bien que construites dans la même décennie (photo). La façade de Santi Domenico e Sisto apparaît plus rigoureuse et plus proche des canons de la Renaissance alors que celle de Santa Caterina a Magnanapoli est plus baroque et a un air de famille avec la façade de Santa Bibiana (1626) du Bernin. Elle fait plus penser à une façade de palais que d’église avec, en rez-de-chaussée, cette loggia décorée de larges pilastres et, à l’étage, une fenêtre encadrée de niches ovales séparés également de larges pilastres. 

En 1566, Monseigneur Giulio Vitelli, achète un vignoble, avec des jardins potagers et quelques bâtiments à Monte Magnanapoli. La première villa est construite sur les restes de constructions du IIe siècle. Elle comprend un bâtiment, un jardin secret et un vaste parc qui s'étend jusqu’au palais Pallavicini Rospigliosi, voisin du Quirinal. L'architecte Carlo Lambardi est chargé de l’embellissement de la villa, il construit un premier pavillon sur le Largo Magnanapoli au coin de la Via Panisperna. En 1600, le pape Clément VIII Aldobrandini (1592 / 1605) achète la villa et la cède à son neveu. Giacomo Della Porta dote la villa d’une nouvelle façade côté jardin et l’étend le long de la Via Panisperna [1].

Une peinture de Matthias Withoos [2], de 1660/1665, montre que le jardin est alors structuré selon les principes d’un jardin à l’italienne coupé d’allées rectilignes bordées de haies, avec des carrés (quadri), décorés de bosquets ou d’arabesques de végétaux et, en leur centre, d’une vasque avec une fontaine. Des statues sont disposées à chacun des angles des carrés. Une petite colline artificielle, plantée d’ifs et de cyprès, un bosco, domine l’ensemble. Sur le côté de la villa est situé un jardin secret fermé d’un mur. La structure du jardin sera ensuite profondément modifiée selon un aménagement « à l’anglaise ». La création de l’actuelle via Nazionale, entre 1876 et 1901, ampute le parc de la villa Aldobrandini, une tranchée est ouverte et un haut mur de soutènement agrémenté de deux pavillons jumeaux est érigé au long de la via Nazionale. Le jardin de la villa est désormais un grand belvédère arboré situé dix mètres au-dessus des rues voisines.

« Plus bas, comme la voiture tournait sur une place triangulaire, Pierre, qui levait les yeux, fut ravi en apercevant, très haut, supporté par un grand mur lisse, un jardin suspendu, d’où se dressait, dans le ciel limpide, l’élégant et vigoureux profil d’un pin parasol centenaire. Il sentit toute la fierté et toute la grâce de Rome » [3].

En 1929, l'État italien acquiert la villa et ouvre le jardin au public en créant un escalier d’accès par la via Mazzarino. Après la guerre, les petits pavillons servent de groupe scolaire jusque dans les années 80, notamment pour les enfants d’amis romains habitant le quartier. Les enfants avaient alors pour cour de récréation les jardins suspendus de la famille Aldobrandini, avec statues antiques et vue sur les principaux monuments du forum ! Le jardin est ensuite longtemps resté dans un état de semi-abandon, rassemblant des orangers, des rosiers, des pins parasols, des palmiers, le tout organisé autour d’un petit bassin, sans eau, entouré de bustes de vestales dont la plupart avaient perdu la tête. Et on perdrait la tête pour bien moins ! Car, sous vos pieds, vous admirez la Torre des Milices, la colonne Trajane, le Capitole et la ligne d’horizon de Rome toute échancrée de coupoles baroques. 

« Et puis j’ai découvert que Rome recelait un jardin suspendu presque aussi stupéfiant : un promontoire de verdure perché bien haut, surplombant paisiblement le magma de la circulation et de l’existence urbaine » [4].

De 2013 à 2016, le jardin a été fermé au public pour effectuer des travaux de restauration : récupération des fontaines antiques, renouvellement du mobilier, rénovation du système d'irrigation, aménagement des chemins, restauration des marbres anciens, des socles et des éléments architecturaux détériorés des pavillons, remplacement des statues par des copies [5]. En 2020, le jardin semble être surtout le rendez-vous des propriétaires de chiens lesquels y batifolent librement !

[1] Sovrintendenza capitolina ai Beni Culturali. « Villa Aldobrandini ».

[2] Peinture Matthias Withoos. « Veduta di villa Aldobrandini a Monte Magnanapoli ». 1660-1665.

[3] Émile Zola. « Rome ». 1896.

[4] Marco Lodoli. « Nouvelles îles – Guide vagabond de Rome ». 2014.

[5] Entrée libre, tous les jours, de 7h00 à 18h00.

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