Sallustiano - Un quartier d'administrations (3/11). La via XX settembre, la rue des ministères.
Une zone lotie dans le cadre de Rome-Capitale comprenant de nombreux ministères
Devant Santa Maria della Vittoria passe une des plus anciennes rues de Rome, l’Alta Semita, qui permettait de rejoindre la Porta Collina de l’enceinte Servienne (IVe siècle av. J-C), puis la Porta Nomentana de la nouvelle enceinte Aurélienne (IIIe siècle). Après avoir fait rebâtir la Porta Nomentana (dénommée désormais Porta Pia), le pape Pie IV Médicis (1559 / 1565) fit rectifier et élargir la route longue et droite allant de la colline du Quirinal à la porta Pia. Achevée en 1565, elle est dénommée Strada Pia en l'honneur du pape et garde ce nom jusqu'en 1870, date à laquelle il fut décidé de lui donner celui de la date du 20 septembre pour une partie de son trajet car c’est par cette voie que, le 20 septembre 1870, les troupes du roi d’Italie investirent Rome. Le 1er juillet 1871, Rome devient la capitale de l’Italie enfin unifiée, et le conseil municipal de Rome du 30 novembre 1871 renomme ainsi une partie de l'ancienne rue [1]. Jusqu’à cette date, le quartier était très peu peuplé comprenant des champs, des vergers, des vignes et de vastes parcs autour de grandes villas, villas Barberini, Mandosi ou Cicciaporci. De cette période, seul subsiste le jardin de la villa Bonaparte (Villa Paolina, pour les Romains). Mais Rome, devenue capitale, doit accueillir les services du nouvel État ainsi que leurs personnels. Le quartier se lotit, les Boncompagni construisent deux bâtiments sur la rue qui porte leur nom, des églises et le ministère de l'Agriculture et des Forêts sont érigés.
Jusqu'aux premières années du XXe siècle, l'administration de l'agriculture faisait partie d'un grand ministère comprenant l'agriculture, l'industrie et le commerce. Mais, pour pouvoir se développer, le secteur agricole devait être administré selon des règles adaptées d’autant que les caractéristiques de l’agriculture italienne sont très différentes d’une région à une autre. La construction du Palazzo dell'Agricoltura, à côté de l’église Santa Maria della Vittoria, a commencé en 1908, en présence du roi Vittorio Emanuele III. C’est un bâtiment de trois étages avec un corps de logis central en avancé (photo). L’avancée est décorée de colonnes doubles, semi-engagées, qui séparent des fenêtres aux frontons curvilignes au premier étage, et triangulaires au second. Au rez-de-chaussée, l’avancée s'ouvre par une entrée à trois arches donnant accès à un atrium avec des colonnes en granit rouge. Les décorations intérieures des salles ont été réalisées entre 1911 et 1918. Le palais accueille aujourd’hui le ministère des politiques agricoles, alimentaires et forestières.
Comme dans toutes les grandes capitales européennes, les formes des bâtiments publics du XIXe siècle (gares, administrations, musées et églises) étaient inspirées des styles architecturaux anciens, grec, roman, gothique, Renaissance, baroque, classique, voire régionaux, arabe, byzantin… A Rome, le modèle le plus couramment utilisé est « néo-Renaissance », Dans le cas du Palazzo dell'Agricoltura se serait même « Renaissance florentine » [2] ! Toutes les bourgeoisies européennes ont produit les mêmes énormités architecturales d’Helsinki à Rome, comme de Londres à Moscou, en passant par Paris et Vienne. Ces monuments prétentieux faisaient référence à un caractère prétendument « national » quand ils n’étaient pas une reconstitution, en « amélioré » et en plus grand, d’un monument grec ou romain. A dire vrai, le ministère italien de l’Agriculture est moins laid que le français de style « néoclassique » (1889), plus lourd et plus chargé.
« …l’éclectisme est notre goût ; nous prenons tout ce que nous trouvons, ceci pour sa beauté, ceci pour sa commodité, telle autre chose pour son antiquité, telle autre pour sa laideur même ; en sorte que nous ne vivons que de débris, comme si la fin du monde était proche » [3].
Autre exemple de cette absence de génie des commanditaires et architectes des bâtiments publics de cette période, le ministère du Trésor (1877), situé sur le côté droit de la rue, dans le rione Castro Pretorio. C’est une variante « énorme » du style néo-Renaissance : sur un rez-de-chaussée avec coins en pierre de taille, s’élèvent deux niveaux reliés par des colonnes engagées colossales puis une mezzanine au-dessus d’une corniche.
[1] Après le carrefour delle Quattro Fontane, la rue prend le nom de via del Quirinale.
[2] D’après le site du ministère ! Mais les palais florentins sont généralement caractérisés par une structure carrée sur une cour intérieure, des façades extérieures massives avec un rez-de-chaussée à bossages…
[3] Alfred de Musset. « La confession d’un enfant du siècle ». 1836.
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